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Pour une histoire impliquée

Les Cahiers Framespa, désormais sous-titrés e-Storia ont publié en fin d’année dernière un numéro consacré aux liens entre les disciplines scientifiques et la crise écologique : “Ce que les ravages écologiques font aux disciplines scientifiques. Pour une histoire impliquée“. L’idée et l’image que véhiculent l’expression d’histoire impliquée me semble plus que jamais convenir à la situation écologique et environnementale actuelle. Je pense qu’on devrait même se demander : peut-on ne pas être impliqué ?

Pas plus que le reste du monde, les historien.ne.s ne peuvent échapper à une confrontation de plus en plus douloureuse avec le changement climatique alors que des hectares de forêts partent en fumée dans des endroits inattendus (des feux de brousse en Angleterre, c’est maintenant possible), que la canicule frappe régulièrement l’Europe (40° à l’ombre en Bretagne, c’est maintenant possible) et le monde de long en large et que les inondations conduisaient des centaines de milliers de personnes à abandonner leur foyer, perdant ainsi leurs moyens de subsistance comme on l’a vu de façon dramatique au Pakistan ou en Australie. Le thème de ce numéro des Cahiers Framespa semblait donc être une bonne occasion de réfléchir à notre utilité en tant que scientifiques et chercheur.se.s, voire d’identifier les directions dans lesquelles il pouvait être pertinent de mener nos recherches.

Or, il est intéressant que malgré la référence à une “histoire impliquée” dans le titre de ce numéro d’une revue d’histoire coordonné par une majorité d’historien-ne-s, peu d’historien-ne-s aient finalement répondu à l’appel à communication.

À quoi sert l’histoire ? De multiples réponses à cette question sont possibles et ont été apportées par de grand.e.s savant.e.s dont certain.e.s se sont courageusement engagé.e.s dans les combats existentiels de leur époque. Sans chercher à rivaliser avec Marc Bloch, on peut rappeler les deux grandes pistes facilement identifiables : (i) soit faire de l’histoire est une activité gratuite qui permet de s’évader, d’échapper à la morosité de sa propre époque ; (ii) soit étudier l’histoire permet de consolider son esprit critique et de mieux comprendre le monde dans lequel on évolue. Les deux ne sont pas totalement exclusives l’une de l’autre et il est certain que se promener à l’aube dans les rues de Pompéi encore déserte offre une incroyable façon de s’abstraire de nos préoccupations quotidiennes. Mais je ne sais pas si on doit se contenter de cette première fonction de l’histoire…

Alors, oui, on peut choisir de ne pas s’impliquer, ou en tous cas de ne pas s’impliquer à travers sa recherche, même si je fais l’hypothèse qu’engagement personnel et professionnel sont souvent liés. Mais à l’heure où les départements de Lettres classiques, d’Histoire ancienne et d’Archéologie sont en péril un peu partout, où les enseignements de ces disciplines sont de moins renouvelés et sont même parfois simplement annulés (dernièrement en Angleterre), il est malheureusement bien nécessaire de justifier notre utilité et donc de s’impliquer.

Le monde antique, qui m’occupe le plus souvent, offre un répertoire presque inépuisable d’illustrations diverses des relations que les humains ont pu nouer avec leur environnement, comment ils se sont affranchis des contraintes de leur environnement, comment ils ont été écrasés par elles, comment ils ont vécu leur rapport au vivant et à la terre. Ces expériences vécues nous offrent de vrais opportunités de réfléchir à la façon dont nous voulons penser notre futur et nous fait réaliser combien ces relations avec l’environnement sont toujours le résultat de choix humains, des choix que l’on peut faire aujourd’hui… Si on décide de s’impliquer.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marguerite Ronin (21 juin 2023). Pour une histoire impliquée. La nature de l’Empire. Consulté le 12 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/rr17


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